Chroniques d’un emballeur impertinent

Le vrac en bric à brac.

Dans un monde ou l'emballage est fustigé à grand coup de campagne médiatique, le consommateur, ou à tout le moins, une majorité de consommateur, prend pour argent comptant tout ce qu'il voit et entend.

Dans le même temps, le commerçant spécialisé en alimentation se perd entre les réglementations « anti tout » et les obligations hygiéniques toujours plus sévères. Certains consommateurs viennent même muni de leurs propres emballages pour contenir, charcuterie/fromage et autres denrées nécessitant un environnement bactériologique contrôlé. Pensant sincèrement faire un geste bienveillant pour la planète, ils se lancent dans la croisade anti-gaspillage, anti-emballage.

J’applaudirais à deux mains si j’étais convaincu qu’à grande échelle ce serait THE solution. Or, voilà, le souci c’est que pour être efficace, une croisade doit se faire avec une armée. La simple bonne volonté est hélas insuffisante.

Car voyons, n’ayons pas peur des mots, cette bienveillance individuelle n’a aucune chance de devenir assez grande pour changer la face du monde. Pourquoi ? Tout simplement car il existe justement des réglementations tout aussi contraignantes en matière hygiénique qu’environnementales. A toutes les mamans, découvrant le bio, comme si c’était nouveau, je suis au regret de vous désillusionner dans votre démarche jusqu’auboutiste. Hé non, vous ne pourrez pas éviter quelques emballages alimentaires, tel que le papier boucherie (recouvert de plastique car c’est obligatoire pour l’hygiène), le sac plastique pour l’emballage sous-vide (cet emballage évite l’utilisation de conservateurs chimiques d’ailleurs…).

Bien entendu vous pouvez utiliser vos propres contenant en verre pour y mettre, fruits secs, olives…., vous passer d’un sac pour vos salades et grappes de raisins. Mais cela nécessite pour la majeure partie de vos articles achetés, un coffre de voiture bien rangé avec tous vos récipients (en verre bien sûr). En vous rappelant quelle denrée dans quel emballage. Toujours rien d’impossible jusqu’à ce stade, c’est juste une simple question d’organisation me direz-vous. Il est vrai que vous n’avez pas encore assez de choses à penser avec vos enfants, leurs activités extra-scolaires. Vous allez sauver la planète en boycottant les emballages. Bravo !

Les choses se compliquent lorsqu’il s’agira des denrées fraîches, et liquide à corps gras. Et oui mesdames, ne vous en déplaisent, même vos récipients en verre lourd et fragile, ne peuvent vous garantir un environnement stérile après quelques utilisations. Dans certains pays, comme la France par exemple, les bouchers refuseront de vous servir, de peur d’être tenu pour responsable d’une contamination alimentaire.

En effet, vous ne pouvez pas leur garantir dans quelles conditions vos contenants ont été lavés. Vouloir inverser une tendance à l’exagération en la remplaçant par une autre exagération, n’a jamais servi le genre humain. Donc, l’intention de diminuer les emballages est certainement une excellente idée. Qui doit impérativement s’accompagner par une réflexion sur les limites à ne pas dépasser pour ne pas créer un effet contre-productif.

Quel effet contreproductif me direz-vous ?
Citons en un simplement, pour que vous preniez conscience de ce qui est en jeux.
En admettant que tout le monde cesse d’utiliser des emballages de service pour les courses de tous les jours, savez-vous ce qu’il va se passer ? Les distributeurs vont supprimer le vrac… Et devinez quoi, les emballages qu’ils utiliseront seront plus lourds que lorsqu’ils les vendaient à la pièce !

Conséquence, en supprimant un emballage de 5 grammes, vous allez le remplacer par un emballage d’au moins 30 grammes, et vous paierez surtout beaucoup plus cher…
Vous ne me croyez-pas ?
Pourquoi feraient-ils cela ?
Pour une bonne raison, avec pour eux une conséquence très avantageuse.

La raison, c’est que les normes d’hygiènes interdiront bientôt les emballages non certifiés. Donc plus de vrac. Conséquence, l’unité de vente va augmenter et le prix de vente aussi….là vous aurez tout gagné et l’environnement également…. Et ne croyez pas qu’il en ira autrement dans les magasins bio….les réglementations liées à l’emballage visent tous les commerçants.

Donc si vous voulez maintenir le plaisir d’acheter en vrac, ne vous privez pas trop des emballages mis gratuitement à votre disposition, car pensant faire un geste pour l’environnement, vous agissez exactement à l’inverse. L’équilibre se trouvant sans doute à mi-chemin, en ne gaspillant pas d’abord ce qui est acheté (contenu) et ensuite en utilisant sans exagération les emballages de service.

Car à force de vouloir laver plus blanc que blanc, on finira par détruire ce qu’on voulait rendre plus beau….

 
Mathieu Defour